PIRATE , les premiers défilés de Vivienne Westwood - Romy Schäfer

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4 min readOct 1, 2020

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Photo — Musée des Tissus — Lyon

“WHAT’S INTERESTING ABOUT ENGLAND RIGHT NOW IS THAT THERE’S A DEFINITE MOVEMENT TO GET INVOLVED WITH THE THIRD WORLD; TO WEAR AN AFRICAN DRESS, TO PUT IT WITH A DOMINICAN HAT, THROW IN SOME PER UVIAN BEADS, AND WEAR MAKE-UP LIKE ONE OF THE TRIBES IN NEW GUINEA — SIMPLY BECAUSE WE HAVE TO GO EVEN FURTHER TO DEMONSTRATE THAT WE WANT TO GET OUT OF THIS ISLAND MENTALITY, THIS VILLAGE WE LIVE IN, AND RELATE OURSELVES MORE TO THOSE TABOOS AND MAGICAL THINGS WE BELIEVE WE’VE LOST .”
- Vienne Westwood

Vivienne Westwood embrasse le début des années 1980 en figure émergente de la contre-culture punk. Le couple qu’elle forme avec Malcolm McLaren élabore désormais ses silhouettes sous le nom de la boutique de King’s Road, rebaptisée Worlds End à partir de 1981. Présentées pour la première fois sous forme de défilés, ces collections révèlent une démarche artistique tournée résolument vers la recherche de sources d’inspiration historiques et culturelles. Toutefois, cette période est également marquée par la détérioration de la relation avec Malcolm McLaren, ce qui met fin à leur collaboration en 1983.

La première collection, intitulée Pirate (automne-hiver 1981–1982), initie un nouveau processus de création, nourri de l’étude de l’histoire et des cultures, que Vivienne Westwood ne cesse d’enrichir dans les collections suivantes. Sur les conseils de Malcolm McLaren, elle s’oriente vers l’historicisme : la Révolution française constitue sa première inspiration . Elle y retrouve les notions de révolte et d’insurrection des années punk. Certes, le terme de pirate évoque une figure romantique et subversive, mais il symbolise également la quête d’une échappatoire : il s’agit de se libérer de la culture insulaire par l’exploration de l’histoire et des sociétés non-occidentales.

Lors du défilé de mars 1981, les mannequins arborent des Walkmans, appareils à la pointe de l’innovation, permettant notamment l’enregistrement illégal des chaînes de radio. Jouant sur la sémantique du mot, le pirate, selon Vivienne Westwood, sévit sur les ondes, tel que l’illustre le groupe Bow Wow Wow — dont Malcolm McLaren est le manager — dans le clip C30, C60, C90, Go !

Vivienne Westwood propose à travers Pirate des silhouettes androgynes peu ajustées , composées de couches superposées . Elle reproduit des modèles anciens de vêtements qu’elle associe avec des coupes asymétriques. Cette asymétrie, associée aux formes amples et aux effets de drapés, donne l’impression de silhouettes battues par le vent, accentuant l’esprit boucanier . Le vestiaire notoire du flibustier est également repris avec des tricornes ornés de rosettes , des chaussures à bouts carrés et des bottes sanglées de multiples boucles.

Pirate introduit le chatoyant motif squiggle , littéralement «gribouillis », qui est régulièrement réédité jusqu’à devenir l’un des motifs les plus reconnaissables de la créatrice . Vivienne Westwood l’interprète comme un motif de corde, évoquant à la fois le vocabulaire de la navigation et celui de la pendaison, punition de la transgression du pirate. Toutefois, le motif rappelle également les dessins sinueux dits «à la fourrure » des soieries du XVIII’ siècle, réinterprétés dans une esthétique du tissu wax .

L’association d’un vestiaire empreint du XVIII’ siècle français et de textiles d’inspiration africaine trouve une justification harmonieuse dans la figure du pirate, explorateur de haute mer dont la silhouette retrace les errances à travers le monde.

Vivienne Westwood confirme son intérêt pour les cultures extra-occidentales avec la collection Savage (printemps-été 1982), l’illustrant de nouveau à travers le motif . Les dessins géométriques qu’elle emploie sont inspirés d’un ouvrage sur l’art traditionnel américain, lndian Rawhide: An American Folk Art . Elle sélectionne notamment les planches reprenant les ornementations de parflèches, des sacoches de selle confectionnées par les groupes culturels des plaines et qui peuvent servir de bouclier grâce au cuir épais dont elles sont constituées . Ce motif, dominant dans la collection, est mêlé à d’autres, tels que des reproductions des Nus bleus de Henri Matisse (1869–1954) ou de Guernica de Pablo Picasso (1881–1973).

Les silhouettes de Savage (printemps-été 1982) révèlent des similitudes avec la collection précédente. Le goût pour les vêtements unisexes et les plissés s’exprime à travers des shorts bouffants , des vestes aux manches a crevés et des robes asymétriques évoquant le drapé des saris. La créatrice détourne le képi beige de la Légion étrangère; porté à l’envers, le couvre-nuque, percé de deux fentes pour les yeux, se présente tel un voile .

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